lundi 27 mars 2017

Prix AICA 2017, "PechaKucha" sur le travail de Jagna Ciuchta

Lorsqu'Ami Barak m'a appelée pour me proposer de prendre sa suite pour concourir à ce prix de l'Association Internationale des Critiques d'Art (dont je suis ravie d'être membre depuis l'année 2000), j'ai hésité un moment. D'une part, je ne suis pas adepte des compétitions et, d'autre part, un format de 6 minutes 40 secondes pour porter le travail d'un.e artiste me paraissait un peu rapide, comme trop en adéquation avec notre monde de la vitesse. Néanmoins, j'ai décidé de me prêter au "jeu", pour une fois, et surtout, l'idée de défendre le travail d'une artiste de mon choix au Palais de Tokyo m'a finalement convaincue de participer. J'ai bien fait. L'expérience a été enrichissante, notamment dans les échanges en amont avec Jagna et au niveau du travail spécifique d'écriture demandé par le format.


Comme chaque année depuis 2013,10 critiques d'art ont été sélectionnés pour réaliser un PechaKucka sur un artiste de leur choix ; un format particulier, de l'ordre de la contrainte oulipienne : 6 mn 40 secondes et 20 slides pour présenter le travail d'un.e artiste. Entre autres, Camille Azaïs a défendu le travail de Pauline Curnier Jardin ; Timothée Chaillou, celui de Nadira Hussain ; Chrystelle Desbordes, celui de Jagna Ciuchta ; Patrick Javault, celui de Camilla Oliveira Fairclough ; Sophie Orlando, celui de Katrin Ströbel.
La lauréate, désignée par un jury international (9 membres dont 4 travaillent à Paris), Rahma Khazam, a défendu le travail de Franck Leibovici.



Extrait du texte : 

"Missing Alina (...) [1 slide]
Jagna rend hommage à l'artiste Alina Szapocznikow via la production de deux « images liquides » de la première rétrospective internationale de l'artiste disparue. Dans les deux cas, à Bruxelles et à New York, l'image révèle une partie de la scénographie vidée des œuvres.


Soudain, un paysage palimpseste : le ponçage du titre – des mots au seuil du visible, sur le point de disparaître.


Buffet, LeWitt and Unknown for Goats + Moore and Moore (2015) + Henry Moore for Goats, exposition Foehn d'été, 2016 [4 slides]

Disparition/ Ré-apparition. Jeu de miroirs avec l'histoire. Les grands maîtres de la modernité croisent les pratiques amateur à la Villa du Parc.

Un Wall Drawing de Sol Le Witt renait grâce à l'artiste. Il se lit en réserve d'un paysage abstrait peint dans une transe tangible : ses plans percent la cimaise, l'espace se creuse dans une jouissance colorée.

Dans cette même installation se trouve un canevas chiné dans une brocante ; il représente, à l'évidence, une chouette peinte par Buffet en 69 ! Drôle d'objet, avec ce point du canevas qui mime le style, sec et anguleux, du peintre.
Non loin, un nouvel hybride va venir nous troubler  : la superposition de deux photographies de détails des Large two forms d'Henry Moore - images offset extraites de posts de touristes. Au creux de cette forme, on aperçoit à peine... une brebis. Au-delà, la composition enroule le regard dans les courbes d'un œil surréaliste.

Dehors, c'est une « Reclining Figure » de Moore qui est recréée par l'artiste et un « chevrier-sculpteur » de la région, spécialiste de la tronçonneuse. Depuis la terrasse, l'oeuvre côtoie, avec élégance, la nature et ses chèvres -  spectatrices inconditionnelles qui, ici, l'assaillent !


L'artiste dit de ses objets qu'ils sont des « machines à fabriquer des fictions d'exposition », et ils sont aussi, pour moi, des « machines à explorer le temps », invitant à mesurer son épaisseur, comme sa dissémination.