lundi 19 juin 2017

Fayçal Baghriche au Shed & Frictions d'Histoire de l'art avec Eva Gonzalès, Marcel Couchaux, Asaf Avidan

Eva Gonzalès, Plage de Dieppe vue depuis la falaise ouest, 1871

Nous nous sommes rejoints, avec Fayçal, gare Saint-Lazare, dans le train en direction de la Normandie. Sur les vitres de la voiture, je ne pouvais pas m'en empêcher, je voyais défiler des Boudin, Monet, un, puis deux Marcel Couchaux, comme au cinéma, et même un Eva Gonzalès qui m'évoquait un tissu, doux et coloré, que l'on a envie de caresser. C'est idiot, probablement : une peintre, une femme... Faire ce trajet en train, avec un artiste, en plus, me donna le sentiment de marcher sur des traces pas si anciennes que ça, imprimées dans l'espace. Fayçal est-il un "impressionniste" ? Malgré ce que l'on pourrait croire "vite fait", je me dis qu'il a bien un petit côté impressionniste... Je vais lui demander ce qu'il en pense. On se connaît depuis un peu bail, maintenant. Arrivés sur place, on a fait "le tour de l'expo", pour parler jargon. J'ai aimé, donc j'ai dit : j'écris ! Puis nous sommes allés manger une crêpe dans une petite rue de Rouen, en tête-à-tête, presque sous les colombages.



Marcel Couchaux, Pêcheurs sur le port d'Honfleur, 1920



Article "Situer l’art"Mouvement.net

Fayçal Baghriche, Anagnorisis, 2017 - crédit photo : Samir Ramdini

Au Shed, centre d'art qui a ouvert tout près de Rouen à l'automne 2015, la salle d'exposition de 600 m2 garde les traces sensibles de l'ancienne usine de mèches de bougie. Comme en écho, l'exposition monographique de Fayçal Baghriche, "Suite et fin", y joue des porosités entre art et pratiques économiques.

Anagnorisis est le titre de l'installation produite pour l'occasion. Dans le théâtre antique grec, l'Anagnorisis est un moment de « reconnaissance » dans lequel un personnage perçoit une part jusque-là ignorée de lui-même, souvent accompagné d'un coup de théâtre. Composée de six grands plots de bois exotique, prêtés par une entreprise de la région, l'œuvre ready-made frappe d'emblée par ses qualités plastiques – un temps de la « reconnaissance », ici purement esthétique. Les superbes volumes minimalistes, dont les tranches ont été alternativement peintes en rouge et vert (« code entreprise » désignant respectivement les essences de Sipo et d'Iroko), s'organisent en lignes obliques sur le vaste sol, suivant une perspective très précise. À l'évocation d'une flottille de bateaux-fantômes, les sculptures prennent en charge, dans les contours mêmes de leurs corps découpés en lamelles, le souvenir de leurs déplacements. De la forêt tropicale du Congo au commerce international, sur les mers et les routes, jusqu'à l'art... Arrive alors très vite la question de la valeur des choses en fonction des contextes, des cultures, des points de vue. Comme à son habitude, Fayçal Baghriche interroge la pertinence et la porosité de nos pratiques et, plutôt que de peindre ou de sculpter lui-même, prélève ce qui l'intéresse dans notre réalité contemporaine. Il opère des coupes dans le réel qu'il met en scène dans un contexte artistique (du médium à la galerie, à l'artiste performeur devenu « balise » au sein de l'espace public). Par un glissement inattendu, presque absurde, à un certain moment du drame, ces objets de bois débités destinés au commerce (et qui regagneront leur entrepôt après l'exposition), « se reconnaissent » œuvres.

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& "Friction d'histoire de l'art" avec Asaf Avidan "Anagnorisis" : https://www.youtube.com/watch?v=JlMbB7lodnQ