dimanche 9 août 2020

Série "Friction d'histoire de l'art" : "A short journey with Michael Drucks"

Michael Drucks : Political Territory from Druksland (1973) - Série "Friction d'histoire de l'art"

Dans la série "Friction d'histoire de l'art", je propose des "voyages" dans l'art contemporain, son histoire, son héritage, ses résonances possibles au sein d'une "archéologie des savoirs" (notamment des savoirs iconiques, mais pas seulement). Les correspondances se tissent à partir d'une œuvre (ici, Druksland de Michael Drucks), vont d'une image à l'autre et dessinent une trajectoire, un parcours visuel composé de libres associations que l'on peut voir comme des balises, ou non, des micro-récits d'histoire de l'art. Le jeu des analogies, plus ou moins évident, forme une constellation que le spectateur est libre d'interpréter comme bon lui semble. Ces "sets" d'images sont ouverts à son imaginaire, à sa culture, comme à sa capacité à créer des fictions. Les frictions d'histoire de l'art proposent de nouvelles narrations - une "retraversée", à la fois personnelle et objective, d'une l'histoire de l'art déjà écrite. 

Déplier l'histoire de l'art en histoires.



Michael Druks, Druksland, 1973

Christophe Bruno, Dadamètre, 2008

Michael Drucks, Flexible Geography (World), 1971

Fayçal Baghriche, Epuration élective, 2004

Michael Drucks, Miss Out, 1974

Francis Alÿs, Tornado, 2000-2010

Goya, "El pero", 1814

Jota Castro, Borders, 2006-2010

Maurizio Nannucci, Scrivere sull'acqua, 1973

Texte sur le travail de Jagna Ciuchta, août 2017/ Frictions d'histoire de l'art, août 2020

Jagna m'a demandé d'écrire un texte sur son travail au cours de l'été 2017, pour son site. J'avais rencontré l'artiste lors d'un dîner de vernissage à Paris, "par hasard". Elle revenait tout juste du centre d'art le Wiels de Bruxelles. Elle y avait réalisé des "images liquides" en lien avec la toute première exposition rétrospective d'Alina Szapocznikow – artiste formidable oubliée de l'histoire de l'art moderne. Malgré le voyage, "l'atterrissage" à Paris, Jagna semblait encore complètement concentrée sur son projet de Bruxelles, ne cesser d'y penser. C'était en 2012. Avant ça, en 2010, j'avais vu pour la première fois l'une de ses oeuvres... Elle faisait partie d'une exposition collective réalisée par le collectif toulousain pdf. . Plus tard, je compris que son tableau énigmatique, comme son accrochage dans ce château de Fronton, annonçait la suite - une suite pétillante, pleine de "bursts". Depuis ce premier dîner, nous nous sommes vues pas mal de fois pour travailler dans différents contextes, échanger sur l'art et l'histoire de l'art, et puis sur cette forme d'interface ou, peut-on dire, d' "adhésion critique" qu'est l'exposition pour elle, et qui est au cœur de sa pratique.


  
Jagna Ciuchta, Henry Moore for Goats, 2016
Œuvre réalisée dans le cadre de l'exposition "Fœhn d'été (A Summer Wind from the Alps)", 2016 - La Villa du Parc, Annemasse, Curated by Garance Chabert © Aurélien Mole


Texte sur le travail de Jagna Ciuchta

Dans la pratique de Jagna Ciuchta, l'exposition est médium, espace réflexif, terrain de jeu de l'artiste. Éphémère, l'œuvre vit au cœur de ce que l'on peut appeler « une situation d'exposition ». Analysé avec précision dans sa singularité et la réalité des paradigmes curatoriaux, le lieu de l'exposition devient matière à récits plastiques. Aussi, au regard de ses spécificités, les artistes invités par Jagna Ciuchta peuvent créer un travail in situ, leurs œuvres apparaître par le biais d'une citation (par exemple photographique), « ré-exister » dans une nouvelle mise en scène, l'ensemble de ces occurrences se rencontrer dans un même projet, se retrouver plus tard, encore, motifs... Chapitre après chapitre – d'exposition en exposition - , l'œuvre se déploie, se stratifie et se ramifie, affirme sa nature organique.

Lors de l'hiver 2013/2014, Eat the Blue marque un tournant dans le travail de l'artiste. Au départ, cinq blocs industriels de polystyrène drapés d'un film bleu occupent une galerie de Montreuil, et le titre, toujours onirique, un brin « surréel », chez Jagna Ciuchta. Jour après jour, des artistes (24 conviés au total) interviennent, participent à la formation de l'œuvre. Le médium exposition se fait ici atelier collectif, organe à la fois politique et sensible de l'œuvre. Comme toujours, les différentes phases du projet sont enregistrées. Ces documents pourront éventuellement servir une nouvelle œuvre, changer de statut, devenir matériau.

À l'instar de When You See Me Again, It Won't Be Me (2010-2015), Spin-off et ses prolongements (2014-2015), retraversent des éléments utilisés dans des projets antérieurs. À ceci près que, cette fois, ce n'est plus le socle muséal qui en l'acteur principal, mais l'archive photographique. Par exemple, une image de l'exposition Frozen Lakes (2014) s'y retrouve médium. Elle appartient à un corpus d'images réemployées, nommé « les images liquides ». Car en effet ces images coulent - elles migrent d'une exposition à l'autre, dialoguent avec les œuvres de nouveaux invités, tissent un nouveau réseau de relations signifiantes. Elles sont fluent.

Les productions de Jagna Ciuchta, dont l'esthétique minimaliste s'amuse d'accents expressionnistes voire baroques, sont réinventées ad libitum, composent une vaste fresque in progress. Pour être formaliste, le travail n'interroge pas moins les écarts et les liens qui peuvent exister aujourd'hui entre l'art et son exposition, entre le visible et l'invisible, entre le high and low - autant de symptômes de notre schize contemporaine induisant un éclatement, une diffraction du réel.

Plus qu'une simple ré-appropriation de l'exposition et de ses topiques – héritage déjà classique de la modernité –, la beauté du process tient ainsi d'une finesse d'analyse historique et contextuelle ne laissant rien au hasard et qui, en même temps, ouvre la voie au « hasard de la rencontre » cher aux surréalistes.

À l'égal de ce que l'on ressent en observant la performance d'un funambule qui progresse sur son fil tenu, restant debout essentiellement grâce à l'intelligence qu'il a de ce qui se passe autour de lui, suspens, tension, poésie sont manifestes.Viscéralement plastique, en mouvement, en devenir permanent, l'art subtil, radical, sans concession de Jagna Ciuchta parle d'art de l'intérieur. Ici, comme l'a défini Gérard Genette, « l'objet d'art ne se réduit pas à son objet d'immanence parce que son être est inséparable de son action.  » Paris, août 2017

https://www.jagnaciuchta.com/About (texte en version bilingue français-anglais)



Frictions d'histoire de l'art, 9 août 2020

Aujourd'hui, je relis, relie, associe presque malgré moi. J'ai eu deux flashs, comme des échos, un jeu de superpositions, des rencontres qui détourent, et [se] stratifient. Des mises en friction du travail de Jagna avec deux peintures quasi oubliées de l'histoire de l'art, réanimées, grâce à son œuvre. De drôles d' "images liquides", si l'on peut dire : déplacées, réinventées, elle se déversent dans la mémoire pour réapparaître là, soudain, telles des traces ineffaçables, et impérieuses. Je ne peux les éviter, m'empêcher de "faire friction". Les survivances sont de l'ordre du manifeste, dans les plis du temps et de l'espace, elles éclairent le présent.

Dorothée Tanning, Hearthless, 1980


                        Jagna Ciuchta, œuvre de l'exposition "Foehn d'été", 2016 © Aurélien Mole


Perle Fine, Summer, 1958-1959


 Jagna Ciuchta, The House of Lust, 2016 © Aurélien Mole

lundi 27 juillet 2020

Exposition "Air", Gérard Adde (Agde)

Commissariat d'exposition, Chrystelle Desbordes en collaboration avec l'artiste

Du 9 juillet au 30 septembre 2020
Atelier de Gérard Adde
5, rue de Lassusse, 34300 Agde

J'ai rencontré Gérard au printemps, dans son atelier, à Agde. Un bel espace, un écrin pour accueillir le travail d'un sérigraphe-plasticien reconnu. Il avait le désir d'y réaliser une exposition estivale avec les œuvres qu'il avait produites entre 2019 et 2020, sur le thème de "l'air". Grâce à nos échanges, il m'a donné "carte blanche" et j'ai alors fait une sélection d'œuvres dans un fonds important pour l'exposition. L'accrochage s'est ensuite organisé dans les deux salles dédiées à la mise en espace de ses travaux au sein de l'atelier. 

Le travail de Gérard Adde a pour matière première un cryptogramme issu d'un roman de Jules Verne. Il s'agit d'un texte illisible, d'une énigme, que l'artiste s'approprie dans le contexte actuel du flux continu des mots et des images. L'exposition " Air " présente ses dernières œuvres, inédites, réalisées entre 2019 et cette année. Le mot "air" recouvre de multiples sens : l'air musical, l'air que l'on respire, l'air qui circule entre, autour, dans des formes plastiques, l'air qui permet l'envol, la liberté...  S'il a ici une dimension concrète, réelle, bien qu'invisible, il renvoie tout autant à une évocation poétique. Outre les travaux issus des séries "L'air des bijoux", "Épigraphies", "La disparition", "Le creux de l'aiguille" (etc.), le visiteur découvrira une grande peinture quadriptyque intitulée "Lockdown".


Salle 1 : à gauche, œuvres de la série "L'air des bijoux" ; à droite, tableaux de la série "Épigraphie" ; Mobiles de la série "L'air des bijoux"
 À l'écran : "L'air des bijoux", montage vidéo réalisé pour l'occasion par l'artiste Christophe Bruno 


Salle 1 : Œuvres de la série "L'air des bijoux"


Salle 2 : à gauche, série "La disparition" ; à droite : peinture de la série "Les Paradis" ; au centre, œuvre de la série " L'aiguille creuse"


Salle 2 : au fond, Lockdown, peinture (4 panneaux) ; à droite, triptyque de la série "La différence de la plume"



 Salle 2 : Peintures de la série "Les Paradis"



Texte " Quand l'écrit fait écran "

dimanche 26 juillet 2020

Rencontres - "L'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde."



"L'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde.", Arthur Schopenhauer


    Rencontres... Ateliers, centres d'art ou musées, amitiés communes, Beaux-Arts ou autres "écoles supérieures d'art", résidences de travail, envie d'écrire sur une oeuvre, un travail... Partager, réfléchir, voyager/questionner, regarder le monde... avec : 
Marina Abramovic, André-Pierre Arnal, Fayçal Baghriche, Larry Bell, Abdelkader Benchamma, David Bioulès, Michel Blazy, Lilian Bourgeat, Céleste Boursier-Mougenot, Luc Bouzat, Laurence Broydé, Christophe Bruno, Daniel Buren, Sophie Cardin, Yves Caro, Philippe Cazal, Siegfried Ceballos, Cassandre Cecchella, César, Enna Chaton, Jagna Ciuchta, Alain Clément, Claude Closky, David Coste, David Cousinard, Cindy Coutant, Claire Dantzer, Olivier Debré, Hervé Di Rosa, Emory Douglas, Wang Du, Valérie Du Chéné, Hubert Duprat, Céline Duval, Fred Eversley, Richard Fauguet, Philippe Favier, Marc Fichou, Nicolas Frespech, Stéphane Gantelet, Ghazel, Delphine Gigoux-Martin, Philippe Jaminet, Lynn Hershman Leeson, Suzanne Husky, Anne Jallais, Pierre Joseph, Katia Kameli, Kapwani Kiwanga, Marie Labat, Wolfgang Laib, Vincent Lamouroux, Mathieu Laurette, Izidora Leber Lethe, Thomas Levy-Lasne, Natalia Lopez, Tom Marioni, Sonia Marques, Lauren Marsolier, Elsa Mazeau, Hélène Merlet, Julie Morel, Olivier Mosset, Valérie Mréjen, Eddie Panel, Hervé Paraponaris, Laurent Perbos, Alexandre Périgot, Marianne Plo, Abraham Poincheval, Guillaume Poulain, Philippe Ramette, Shanta Rao, Agnès Rosse, Stéphanie Sageot, Charles Simonds, Pierre Soulages, Simon Starling, July Seen, Jeanne Susplugas, Claire Tabouret, Sébastien Taillefer, Cédric Torne, Jean-Luc Verna, Claude Viallat, Sébastien Vonier...

    Il n'y a pas d'histoire de l'art sans artiste. "L'art est ce que fait l'artiste, c'est tout.", Lawrence Weiner. "Le monde comme volonté" et, surtout, "comme représentation". "Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité", Nietzsche.

Interview Lawrence Weiner 1969, "L'art est ce que fait l'artiste, c'est tout"

Extrait du film réalisé par la télévision suisse romande, Quand les attitudes deviennent forme, 1969
(dans le cadre de l'exposition When Attitudes become Form, Kunsthalle de Berne - curator : Harald Szeeman) 


Interview Lawrence Weiner et Michael Heizer

"L'art est probablement la seule chose pour laquelle il n'y ait pas une raison vraie.", Lawrence Weiner

vendredi 3 janvier 2020

"L'Être, la Machine et le Néant", Christophe Bruno (Paris)

Christophe et moi avons travaillé plusieurs mois sur le projet. Nous avons fait près de 2000 essais avant d'obtenir ce que nous voulions (le processus de recherche fait pleinement partie du travail artistique). Nous avons sélectionné 17 tableaux. Lorsqu'ils ont été prêts pour l'exposition à la Cité des Arts à Paris (dans le cadre de la Biennale Nemo, sous la direction artistique de Gilles Alvarez), nous avons discuté de l'accrochage avec le commissaire Dominique Moulon. J'ai proposé le "rouge pompier" pour recouvrir les cimaises comme un lointain écho à l'Académisme, voire aux présentations muséales empreintes de l'Académisme du XIXe siècle. Au fond, il s'agissait d'un contre-point ironique à la question de la modernité artistique qui était au cœur du projet. Puis nous avons accroché, l'ensemble créant une unité si bien que l'on pouvait y voir une installation.


Présentation du projet

Aujourd’hui, l’apprentissage du savoir-faire artistique par la machine suit les règles de l’Académie : l’Intelligence Artificielle est nourrie d’histoire de l’art et entraînée à reconnaître des styles picturaux. Ses réseaux de neurones sont alors capables de créer des oeuvres « à la manière de » tel ou tel artiste. Ainsi, tandis qu’un néo-académisme machinique est en marche, il est urgent d’apprendre à désapprendre aux machines : à l’égal des peintres de la modernité, L’Être, la Machine et le Néant intègre dans le processus d’apprentissage la friction, l’erreur, l’anachronisme, le défaut, la schize, le bug, le néant. Le dispositif cherche à retrouver la dynamique de l’art : la rupture. L’incomplétude de la machine rejoint celle de l’être humain, à l’horizon d’une nouvelle modernité.


Le projet a été réalisé en collaboration avec l’historienne de l’art Chrystelle Desbordes et avec la participation de diverses Intelligences Artificielles
Avec le soutien d’Arcadi Île-de-France
Avec la participation du DICRéAM