À propos de ce blog



 

Nan Goldin, Self-Portrait on the train, 1992 © Nan Goldin/ Photo © Tate Gallery, London


Le blog Esterel crème (avec une ligne café) est consacré à l'histoire de l'art et aux artistes contemporains. Par l'intermédiaire d'écrits sur l'art, d'images, de jeux de correspondance entre des œuvres, ce blog partage mes expériences d'enseignante, d'auteure de textes sur l'art, de commissaire d'exposition, de chercheure, d'éditrice. C'est un carnet de voyage, si jamais on cherche absolument à l'associer à un genre défini qui préfère qu'il n'y ait pas de frontières et donc, pas de passeport. Lorsque l'on parle de l'art ou que l'on en "fait", les frontières, c'est un truc sans lendemain.


















Traverser les paysages de l'art qui nous invitent à nourrir notre regard sur le monde, et à y participer

Embarquer à bord d'une Esterel crème (avec une ligne café) pour découvrir les images, les bords et l'intérieur des cartes, les glissements de terrain. Observer, voir, partager les points de vue. 

Prendre place à bord d'un camping-car ou d'une caravane - un "véhicule de paysages", peut-être même un paysage en soi, avec avec cette ligne café qui parcourt ses flancs de résine, fait le tour de son corps, et me fait penser  - je ne saurais dire pourquoi -, aux installations de Richard Baquié autant qu'aux yeux de Nan Goldin perdus dans le vague des motifs qui défilent de l'autre côté de la fenêtre d'un train en marche. Voyager dans les images, car une "image artistique" (qu'elle soit en 2 ou 3 dimensions) est toujours un paysage - le balayer d'abord, puis y pénétrer, suivant son rythme, c'est se donner la chance de le comprendre, d'en saisir les réalités sensibles.


Esterel, modèle America 39 U, 1989


Dans un voyage, il y a des rencontres qui deviendront récits, toute histoire qui passe par des détours, contourne, fait un pas de côté, emprunte les chemins de traverse, n'apparaissent pas sur la carte, échappent à ce satané GPS qui rejette les champs en friche hors champ, crée des embouteillages de mise en conformité. Aborder avec confiance et enthousiasme les rencontres qui relèvent de la surprise, élargissent les frontières du domaine de la vie. Désirer déplier la carte de l'histoire de l'art, la déployer, la défroisser avec soin. 

S'il est vrai que "Lorsque la carte découpe le récit traverse" (ainsi que l'avait souligné Michel De Certeau), il n'est pas moins vrai que la carte se re-découpe sans cesse, conduisant à l'invention de nouvelles narrations, de projections.




Jeffrey Shaw, The Legible City, 1989-1990 © Jeffrey Shaw

On trouvera dans ces pages transparentes, la mise à nu d'une pratique développée par frottement empirique avec les espaces de l'art - ceux qui adviennent in situ comme ici et maintenant - tout ce qui ne peut avoir lieu ailleurs, ailleurs que dans l'expérience. 

Imaginer, aussi, un paysage entre ses lignes qui se reformule grâce à une "scène" comme une exposition. C'est un nouveau paysage dans le paysage qui vient enrichir "sa" bibliothèque de Babel, comme les livres, les catalogues, les d'éditions consacrées aux œuvres, à la transmission de leurs langages. Au cœur des langues, il y a les femmes et les hommes qui les bâtissent, en font usage et les transforment, et ce désir d'écrire sur les artistes... Mettre sa plume au service d'une pratique créatrice de formes qui fait sens, au service de ce qui, en elle, nous regarde.


Eugène Delacroix, "Autographe aux tâches de couleur", carnet de croquis, 1830 © RMN



Aimer être "passeure" parmi d'autres, un petit pont. Guide ou pilote-sémiologue dédiant, depuis plus de 25 ans, sa vie à l'art, qui réfléchit aux sens de son histoire culturelle et politique, met les choses "en friction" ou en correspondance, "joue" volontiers avec une méthode (ou une méthodologie ?) inspirée du Aby Warburg bâtisseur de l'Atlas Mnémosyne, avec son approche dynamique (-"performative"), riche de perspectives, ouverte sur le plus d'horizons possibles. Daniel Arasse, Maurice Merleau-Ponty, Rosalind Krauss, Michel Foucault, Hal Foster, encore.


"Desk-Desk", mai 2019 © Frédéric Brisset


"L'art est ce qui rend vie plus intéressante que l'art.", disait Robert Filliou... C'est sûr... ?! C'est sûr que c'est une jolie boucle, une boucle réflexive, un genre de mouvement perpétuel qui ne cesse de s'enrouler sur lui-même, dans et au travers de l'époque, et qui se défait en permanence dans un espace sans limite, puis recommence ce dessin qui enveloppe, tel un lasso en quête d'étreintes amoureuses, les paysages défilant derrière les vitres du véhicule. Sur son tableau de bord, il y a le carnet de voyage griffonné de mots rapides et de quelques ratures, de photos collées "à la Cléopâtre", de dessins sommaires pour ne pas oublier, se souvenir, rappeler l'empreinte de l'indicible.


Robert Filliou, Le siège des idées, 1976 - collection particulière