dimanche 17 mars 2013

Menace de censure au Jeu de Paume - exposition d'Ahlam Shibli

"Une institution artistique qui s'engage auprès d'un/e artiste ne peut mettre de guillemets autour de son discours. Incriminer un artiste de manque d'objectivité est de la plus grande ironie de la part d'organisations politiques et religieuses.", François Piron

Après les oeuvres de Mounir Fatmi, par deux fois censurées fin 2012 (à Toulouse puis à Paris) sous les menaces réelles ou imaginées de quelques personnes, c'est maintenant l'exposition d'Ahlam Shibli qui risque de fermer (au moins en partie), sous la pression d'individus ou de groupes qui accusent la photographe de faire l'apologie du terrorisme... Le regard censeur, partisan, bien que biaisé, a engagé l'artiste à répondre à ses accusations... La photographe a notamment expliqué que sa position était bien plus "psychanalytique" que "politique".

"Ses images sont ancrées dans l'actualité, non dans l'urgence d'un témoignage, mais dans la nécessité de réinventer une distance critique avec la transformation profonde du regard subjectif".
http://actuphoto.com/24730-ahlam-shibli-expose-laquo-nbsp-phantom-home-raquo-au-jeu-de-paume.html 



 Ahlam Shibli, Untitled (Death n°4), Palestine, 2011/2012
38 x 57 cm

Son message n'a visiblement pas été entendu.
Sa série "Phantom Home" (Foyer Fantôme) est plus particulièrement visée par ces détracteurs qui refusent le débat et, pour certains, qui sont allés, ces derniers jours, jusqu'à menacer le personnel de l'institution.
Une fois de plus, la question de la liberté d'expression est, à l'évidence, posée et, dans son sillage, d'autres encore, non moins urgentes dans le sens où il s'agirait d'y réfléchir très sérieusement au sein d'une démocratie...
- Une méconnaissance de l'art doit-elle l'emporter sur les choix de l'artiste ?
- Le travail des professionnels de l'art (ici celui de Marta Gili qui dirige le Jeu de Paume depuis 2006) peut-il être légitimement remis en cause (aussi violemment) par des personnes qui ne sont pas à même d'en mesurer la qualité ?
- L'éducation du regard et des "langages de l'art" ne doit-elle pas être une priorité dans les programmes de l'éducation nationale, dès le plus jeune âge, avec un personnel enseignant réellement formé aux enjeux artistiques (plus encore à l'ère d'une culture de l'image en réseau mondialisé) ?

"L'image est un langage qui révèle le monde", Marta Gili

Pétition de soutien à Marta Gili :
http://www.change.org/petitions/support-marta-gili-director-of-jeu-de-paume?share_id=JPXFwDDKoS&utm_campaign=signature_receipt&utm_medium=email&utm_source=share_petition

Rappel...
Une nouvelle œuvre de Mounir Fatmi censurée 
par Laura Heurteloup • 11 octobre 2012

"Après le Printemps de Septembre à Toulouse, l’Institut du monde arabe décide, lui aussi, de retirer une œuvre de l’artiste Mounir Fatmi.
Une semaine après la suppression de Technologia au Printemps de Septembre de Toulouse, le plasticien marocain Mounir Fatmi est de nouveau victime de censure. Dans le cadre de l'exposition, Vingt-cinq ans de créativité arabe, qui ouvrira ses portes le mardi 16 octobre prochain, l'IMA a décidé de retirer l'installation vidéo intitulée Sleep, jugée trop sensible au regard du contexte actuel.

Directement inspirée du film expérimental pop du même nom, réalisé par Andy Warhol en 1963, cette création met en scène l'écrivain britannique Salman Rushdie en plein sommeil. Ce dispositif, possible grâce à la technologie de l'imagerie numérique en 3D, rend hommage à l'auteur du roman Les Versets sataniques écrit en 1988.
Cette parution, qui avait provoquée la colère de groupes islamiques, oblige Salman Rushdie à vivre dans la clandestinité. Choqué par cette affaire, Mounir Fatmi a confié au Figaro.fr : « Compte tenu des menaces qui pèsent sur sa vie depuis tant d'années, plonger dans le sommeil reste une manière pour lui de se mettre en état de vulnérabilité. Ce sont des images de synthèse à partir de photos. J'ai été scandalisé par le silence des intellectuels arabes sur le sort de Rushdie et son combat pour la liberté de créer. Alors j'ai imaginé ce film comme un hommage ».
Comble de l'ironie, Sleep, qui est actuellement présenté au BPS22 de Charleroi dans le cadre de l'exposition Intranquillités, sera remplacée par Technologia, l'œuvre retirée du Festival d'art contemporain de Toulouse, la semaine dernière, pour son caractère soi-disant blasphématoire."

Format curatorial : « Il faut être deux pour une image » (partout)

Statement

Ce format curatorial, qui a la forme d'une conférence-performance inscrit dans un dispositif spécifique,l a pour point de départ le dialogue avec un artiste autour de sa pratique. L'objet qui en naît est délibérément hybride : il brouille les cartes, les abat, les redistribue, s'ouvre à la rencontre d'un travail artistique spécifique en présence de l'artiste.

Fondé sur l'échange entre deux acteurs du monde de l'art, l'objet se construit grâce à une démarche heuristique – cet « art d'inventer, de faire des découvertes ». La forme qui est donnée, créée à partir de jeux d'analogie (entre des images, des mots, voire des objets), révèle peu à peu ce qui a du sens pour l’artiste.

Le format initie un objet curatorial d’un genre nouveau : un espace dans lequel le temps de l'échange expose l'oeuvre en dehors du white cube mais au sein d'une institution artistique. 


Le format répond à un certain nombre de règles performatives :


- L’objet résulte d’un travail d’écriture.
- L’objet s’inscrit dans une durée précise.
- L’objet se joue au sein d’un dispositif scénique particulier.
- L'objet relève d'un échange vécu en direct par le public, comme un spectacle ou une situation unique.
- L’objet est enregistré.


- La « conférence/performance » n’ouvre pas sur un débat avec le public.
- L’objet peut être réactivé et donner lieu à de nouvelles versions.




Le résultat de ce travail peut se résumer dans l’aphorisme de Jean-Luc Godard : « Il faut être deux pour une image ».

 Fayçal Baghriche, Feuille de salle (détail)


Conférence/performance 
Il faut être deux pour une image, avec Fayçal Baghriche
 

Les deux protagonistes ont élaboré ensemble un corpus d’images liées à l’histoire de la performance sur lequel « discuter », dans la mesure où la micro-action est au cœur de la pratique artistique de Fayçal Baghriche.
"Pour moi, nous dit l'artiste, l'histoire de la performance, c'est ça : des gens qui font des trucs bizarres dans des images en noir et blanc". Pour sa part, Chrystelle Desbordes pose Diogène comme le père de la performance...
L’artiste et le critique sont ici inscrits dans un dispositif où les corps s’absentent, ne se manifestant plus qu’à travers l’oralité. Ce choix est lié à l'importance de l'invisibilité à la fois dans le travail de Fayçal Baghriche et dans les recherches en histoire de l'art de Chrystelle Desbordes. Cette proposition se révèle être, in fine, un format d’exposition du travail de Fayçal Baghriche.

Centre d’art contemporain de Sète, 7 avril 2011
École supérieure d’art des Pyrénées (site de Tarbes), dans le cadre de l'évènement "Screen a light", 27 mai 2011


Babeth Rambault et Christophe Bruno ont également présenté leurs travaux respectifs dans le cadre de "Il faut être deux pour une image".

Le format sera bientôt réactivé avec d'autres artistes invités (hiver 2020/2021)